Réfléchir avant d’agir
Comment savoir si l’IA générative est la bonne solution… ou non

Chaque jour, de nouvelles entreprises annoncent fièrement l’adoption de l’IA, promettant des gains spectaculaires en productivité et en efficacité. Mais derrière cet enthousiasme se cache une vérité plus complexe : l’IA n’est pas une solution miracle qui répond à tous les besoins.
Et les risques de gaspillage de ressources et d’objectifs dévoyés sont bien réels. Selon Gartner, 30 % des projets GenAI seront abandonnés après la phase de test d’ici 2025, en raison d’une mauvaise qualité des données, d’un manque de contrôle des risques, d’une augmentation des coûts ou d’un retour sur investissement incertain.
« Beaucoup s’attendent à ce que l’IA soit une solution universelle capable de résoudre tous leurs problèmes rapidement et facilement », explique Austin Humes, Director of Technology and Connected Experiences chez Valtech. « Mais ce n’est absolument pas le cas. »
Mettre en place une IA efficace nécessite une réflexion stratégique en amont. Avant de se lancer, il est essentiel d’évaluer précisément les besoins, les ressources disponibles et les alternatives possibles.
Se concentrer sur des problématiques métier concrètes
Avant de s’emballer pour une technologie, il faut d’abord identifier les problèmes spécifiques que l’IA pourrait résoudre et les résultats attendus.
« Il faut fixer des objectifs de retour sur investissement avant d’engager des ressources dans un projet », explique Cameron Turner, Vice President of Data Science chez Valtech.
Pour Matalan, retailer britannique, le principal défi était une équipe de rédaction submergée, peinant à produire des descriptions pour son immense catalogue produit. L’enseigne a donc testé l’IA générative pour alléger cette charge tout en optimisant la visibilité des produits en ligne. En seulement trois semaines, une solution basée sur Google Cloud Platform’s Gemini et PaLM 2 sur Vertex AI a été déployée. Résultat : les rédacteurs peuvent désormais produire 100 descriptions en 30 minutes, contre une journée entière auparavant.
Mais résoudre un problème ne doit pas se faire au détriment d’autres aspects de l’entreprise. De nombreuses organisations utilisent différentes solutions IA sans coordination, ce qui entraîne une fragmentation nuisible à leur efficacité.
« Dès que vous assemblez plusieurs solutions sans stratégie claire ni architecture cohérente, vous perdez les bénéfices de chaque outil. Toute efficacité ou gain de productivité s’évapore », explique John Cunningham, Chief Technology Officer chez Valtech.
Évaluer la maturité de l’entreprise face à l’IA
Le coût de la GenAI ne se limite pas à son déploiement : il implique aussi des dépenses continues en logiciels, matériel et support. Et ces investissements ne garantissent pas toujours un retour immédiat, voire un retour tout court si le projet est mal anticipé.
« L’engouement promet un retour sur investissement de 3000 %. C’est très improbable. De nombreux facteurs peuvent influencer les résultats sur le long terme, et valider ces impacts au fil du projet est essentiel », souligne Morgan Kainth, VP Strategy – Europe chez Valtech.
Les chances de succès sont nettement plus élevées pour les entreprises disposant déjà d’un stockage de données performant, d’une puissance de calcul adaptée et d’un réseau rapide. Mais même avec une infrastructure suffisante, la mauvaise organisation des données reste un obstacle majeur.
« Elles ont les données, mais elles ne sont pas toujours structurées de manière optimale », observe Lindsay Ratcliffe, MD UK et SVP Product, Innovation and Data Services Europe chez Valtech.
Un autre facteur clé est la compétence des équipes. Data scientists, ingénieurs en IA et développeurs sont essentiels pour exploiter ces technologies. Si ces talents ne sont pas disponibles en interne, il faudra recruter ou former les équipes existantes. 82 % des dirigeants interrogés dans l’index Work Trends 2023 de Microsoft estiment d’ailleurs que de nouvelles compétences sont indispensables pour travailler avec l’IA. « L’IA nécessite un suivi, une amélioration et une maintenance continue. Plus elle est intégrée aux processus métiers, plus le besoin en main-d’œuvre humaine augmente », explique Lisa Rogers, Ph.D., Directrice des données chez Gumband, une plateforme logicielle qui gère et mesure les expériences interactives dans divers environnements (musées, magasins, stades). « Les compétences clés pour mettre en œuvre et gérer l’IA incluent la modélisation mathématique, la modélisation neuronale, l’analyse de données et la conception de modèles LLM », ajoute-t-elle.
Cunningham insiste également sur l’importance de la formation : « Il faut former en interne à l’ingénierie des prompts, que ce soit pour la génération d’images ou de textes, afin que les équipes comprennent les différences entre les diverses approches. »
Ne pas négliger les alternatives à l’IA
Lorsque les ressources sont limitées, des solutions plus simples peuvent être plus efficaces. L’automatisation basique peut gérer des tâches répétitives, et l’analyse des données permet d’optimiser la prise de décision et l’efficacité opérationnelle, sans nécessiter un investissement lourd dans l’IA.
« Nous passons du temps à tempérer l’enthousiasme des dirigeants pour cette technologie afin de recentrer la discussion sur l’objectif métier. Et seulement après, nous déterminons la technologie nécessaire », explique Turner. « Parfois, la GenAI n’est tout simplement pas justifiée. Parfois, des analyses de données factuelles sont plus pertinentes que des prédictions probabilistes. »
Toutes les problématiques ne nécessitent pas une solution basée sur l’IA.
« De nombreux problèmes plus simples et statiques peuvent être résolus avec de l’automatisation ou de l’analyse de données, des options souvent plus rentables et plus rapides à mettre en place », affirme Rumi Morales, Partner et Board Member chez Outlier Ventures. « L’IA est plus adaptée aux défis complexes et évolutifs qui nécessitent une adaptation en continu. »
Un exemple concret : Findbolig, une entreprise danoise spécialisée dans la location immobilière, devait moderniser un système vieillissant. Au lieu d’opter pour une solution IA complexe, elle a choisi une approche basée sur des API pour fluidifier les processus et alléger la charge opérationnelle. Cette solution a libéré des ressources internes, permettant à l’équipe de se concentrer sur des initiatives stratégiques, tout en améliorant l’efficacité globale.
Faire les bons choix
L’IA a le pouvoir de transformer en profondeur le fonctionnement des entreprises, mais cela ne signifie pas qu’elle est la solution idéale dans toutes les situations.
La clé du succès réside dans une réflexion approfondie sur les besoins réels de l’entreprise. L’IA correspond-elle à vos objectifs ? Avez-vous les ressources pour l’exploiter efficacement ?
Parfois, des solutions plus simples comme l’automatisation ou l’analyse de données peuvent générer des résultats significatifs sans nécessiter des investissements lourds. Il s’agit avant tout de choisir l’outil le plus adapté au besoin.
Avant de vous lancer tête baissée dans l’IA, posez-vous la question : est-ce vraiment la meilleure décision pour votre entreprise aujourd’hui ?