2020-07-15
Vous pouvez qualifier cette notion de « fluidité des canaux » ou d’« indifférence face aux canaux » ou même inventer votre propre vocable. Pour ma part, j’aime le terme vente au détail « omnicanal » pour décrire la combinaison de magasinage en ligne et hors ligne qui est devenue la forme dominante de vente au détail à notre époque. Cet article se veut une brève exploration de ce (très) vaste sujet, que j’aborde plus en détail dans mon livre « The Future of Omni-Channel Retail: Predictions in the Age of Amazon » (L’avenir du commerce de détail omnicanal : prévisions à l’ère d’Amazon). (Emerald Lake Books, 2018).
Pas tout à fait ce que nous pensions
Nous sommes entrés dans l’ère du commerce électronique il y a 25 ans. Cette transformation n’est pas passée inaperçue. Nous faisons tous des achats; c’est notre façon de vivre et (en quelque sorte) la raison pour laquelle nous travaillons. Nous tapons sur « Acheter maintenant » sur notre téléphone, et nos nouvelles chaussures ou notre nouveau chargeur de téléphone ou (remplissez le champ vide) apparaissent rapidement sur le pas de notre porte.
Mais les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme nous l’imaginions.
Pour la première fois, le brouillard se dissipe. Nous percevons les choses plus clairement que jamais auparavant. Nous avons désormais une vue d’ensemble beaucoup plus précise de la façon dont le commerce électronique et la vente au détail dans les magasins physiques évoluent par rapport à ce que nous pouvions entrevoir jusqu’à tout récemment.
Depuis l’expansion rapide et l’effondrement des sociétés point-com en 2001, et l’essor d’Amazon, de Google et de Facebook qui a suivi, le discours unilatéral et alarmiste qui a dominé prédisait la mort des magasins traditionnels. L’« apocalypse du commerce de détail ». Il y a évidemment une grande part de vérité dans ces scénarios. Nous avons assisté à la disparition totale de chaînes comme Toys “R” Us, Radio Shack et Payless Shoes. Mais il s’agit d’un discours partiel, qui mérite d’être complété.
Cette vision de l’évolution du commerce de détail simplifiée à outrance se fonde sur plusieurs raisons, trop nombreuses pour être explorées en détail ici. Parmi celles-ci, il y a sans doute cette idée tenace : comme les consommateurs peuvent tout commander en ligne, ils le feront. Voire même, ils devraient le faire. Et l’hypothèse voulant que tous les magasins, centres commerciaux et centres-villes soient dépassés. Et que tous ceux qui sont attachés aux anciens modes de vente au détail sont simplement des nostalgiques. Bien sûr, personne ne veut avoir l’air idiot.
Mais, dans les faits, les choses se passent différemment de ce que nous pensions il y a quelques années à peine.
Pour la première fois peut-être, nous sommes en mesure d’examiner le tout de plus près. Nous sommes en mesure de développer une vision plus réfléchie et plus nuancée du présent et des futurs possibles du commerce de détail — un volet de notre économie qui représente 3 000 milliards de dollars (chiffres américains) et sur lequel repose un emploi sur quatre.
L’occasion qui se présente aux détaillants
En examinant de plus près la manière dont le commerce électronique et les magasins physiques de vente au détail évoluent et se complémentent, on peut faire ressortir de nouvelles façons d’analyser ce que veulent les consommateurs. Et de nouveaux rôles pour les détaillants, tant en ligne qu’en magasin, pour les marques de produits, les centres-villes et les centres commerciaux.
En étudiant les nouveaux modes de collaboration entre le commerce électronique et les magasins traditionnels de vente au détail, nous arrivons à mieux comprendre à « quoi » servent les magasins physiques dans ce nouveau contexte omnicanal.
Cette étude peut révéler une importante valeur cachée dont les acteurs commerciaux de tous types peuvent tirer parti, de même que ceux qui les soutiennent dans le domaine de la finance, le secteur public et le milieu universitaire. Cette conjoncture ouvre la voie à de nouveaux modèles commerciaux et à de nouvelles hypothèses d’investissement, ainsi qu’à de nouveaux paradigmes et de nouvelles possibilités pour nos communautés, nos villes, nos centres commerciaux et nos espaces publics.
Théories et cadres pour comprendre les consommateurs
En utilisant le cadre de la « tâche à accomplir », tiré de « Outcome-Driven Innovation » (L’innovation axée sur les résultats) de Tony Ulwick, popularisé par Clayton Christensen de la Harvard Business School, et auteur de « The Innovator's Dilemma » (Le dilemme de l’innovateur), les détaillants, tant en ligne que ceux qui ont pignon sur rue, doivent comprendre quelle « tâche » les consommateurs leur « confient ». Les attentes des consommateurs par rapport au commerce en ligne – principalement, la commodité – et par rapport aux magasins physiques; de la découverte et de l’information. De l’interaction et du divertissement.
Dans mon livre, « The Future of Omni-Channel Retail: Predictions in the Age of Amazon », j’approfondis et j’explique certaines des théories classiques du marketing qui sous-tendent les différentes méthodes d’achat des consommateurs.
Je m’appuie ensuite sur ces modèles pour proposer trois nouveaux cadres connexes qui mettent en lumière les aspects des achats que les consommateurs veulent faire en ligne, en magasin ou en mode hybride. Et les raisons derrière ces choix.
Le premier cadre présente un aperçu simplifié de ce que les gens font réellement lorsqu’ils magasinent. Il s’agit d’une vision réductrice qui explique que toute création de valeur au détail provient de deux fonctions clés : la découverte et la réalisation (on parle ici de réalisation au sens de la chaîne d’approvisionnement, c’est-à-dire la façon dont ils réalisent leurs achats, et non au sens de leur satisfaction).
Notre deuxième cadre, illustré ci-dessous, va plus loin et examine de près de nombreux types de produits de consommation et d’occasions d’achat.
Ce cadre de vente au détail à deux axes illustre de quelles façons différentes les consommateurs veulent faire l’expérience de la découverte et de la réalisation. En fonction des différentes caractéristiques des produits qu’ils contemplent et des différentes raisons qui motivent leurs achats. Du banal au stimulant. De la corvée à l’aventure.
Enfin, nous utilisons les concepts de temps bien épargné et de temps bien investi (utilisés par Joseph Pine, auteur de « The Experience Economy ») selon que les consommateurs considèrent une mission d’achat particulière comme une corvée ou une récompense, et tout ce que cela implique pour les achats en ligne et hors ligne.
Ensemble, ces cadres nous aident à comprendre et à prévoir les attentes des consommateurs vis-à-vis des différents types d’achats, en ligne et hors ligne, et surtout, les raisons derrière ces attentes. Et en quoi ces attentes peuvent différer en fonction des types de produits (cadre de détail à deux axes de Binnie) et de missions d’achat.
De nouvelles avenues pour l’avenir
Avec le temps et l’adoption de nouveaux modèles de vente au détail, force est de constater que la vente au détail omnicanal correspond à ce que les consommateurs recherchent. Ou plus exactement : les consommateurs ne font pas nécessairement de distinction entre le magasinage en ligne et hors ligne — ils sont agnostiques à l’égard des canaux. Ils veulent simplement se procurer ce qu’ils recherchent. Là encore, dans la perspective « axée sur les résultats » mentionnée ci-dessus, les consommateurs veulent « confier » à un détaillant la « tâche » de résoudre un problème particulier de différentes manières. À des moments différents. En fonction du produit, de leur situation et de leur humeur.
Voici quelques exemples de détaillants et de marques pour qui la notion de canal est fluide; vous en trouverez beaucoup d’autres dans le livre.
Les marques de vente directe aux consommateurs comme Everlane (vêtements) et Warby Parker (lunettes) n’ont pas de canal de distribution de prédilection. Leur présence est aussi forte dans les magasins que dans le commerce électronique.
Best Buy, qui n’a pas toujours reçu les éloges qu’elle mérite, s’est forgé une solide réputation dans le domaine de la vente au détail omnicanal. Ses magasins se trouvent à moins de quinze minutes de 70 % de la population américaine. Et 50 % des commandes passées en ligne sont expédiées à partir de ces magasins locaux.
Les marques de produits comme Thule (porte-vélos, etc.) ne vendent pas aux consommateurs en ligne, mais travaillent en étroite collaboration avec les détaillants physiques avec qui elles nouent des partenariats pour guider les acheteurs en ligne vers leurs magasins.
Ce ne sont là que quelques exemples de commerces de détail qui proposent des expériences en ligne et hors ligne centrées sur le consommateur. Et il existe de nombreux exemples de projets immobiliers de commerces de détail, de centres commerciaux et de centres-villes (The Grove à Los Angeles, le Ponce Center à Atlanta) qui comprennent ce que les consommateurs attendent des achats en personne et qui tirent fièrement leur épingle du jeu dans cet univers omnicanal.
En dernier lieu...
Le nouveau potentiel qu’offre cette nouvelle réalité m’enthousiasme sincèrement. C’est vrai, le paysage du commerce de détail a changé à jamais, personne n’en doute. Le commerce électronique est devenu une norme de magasinage sans contrainte servant d’étalon auquel toutes les autres expériences de vente au détail sont comparées. À juste titre. Mais une fois qu’elles l’auront compris et accepté, les marques, les détaillants et les entreprises de tous genres en contact avec les clients pourront se redéfinir afin de demeurer pertinents pour le consommateur. En comprenant de quelles manières leurs offres en ligne et en magasin permettent aux consommateurs de faire l’expérience de la découverte et de la réalisation. En comprenant quelle « tâche » les consommateurs leur « confient », à différents moments et dans différents contextes.
Et enfin, en comprenant ce à quoi « servent » (et ce à quoi ne servent pas) les magasins à notre époque.